Créé à Paris en 1919, l’Institut métapsychique international (l’IMI) se prépare à fêter ses 100 ans. Retour sur cette société pionnière dans la recherche sur le paranormal.
Le monde académique européen à la charnière des XIXe et XXe siècles, est le théâtre d’
« un phénomène culturel stupéfiant » , souligne Bertrand Méheust, sociologue et membre du comité de direction de l’Institut métapsychique international (IMI). En France notamment, de nombreux scientifiques et chercheurs – comme des prix Nobel, des membres de l’Académie des sciences, de médecine, de l’Académie française, des professeurs du Collège de France, de la Sorbonne, de la faculté de médecine ou encore de l’École polytechnique – se mettent à étudier la lucidité, la vision à travers les corps opaques, les prévisions confirmées, les déplacements d’objets à distance, les ectoplasmes, etc. C’est au cœur de ce foisonnement intellectuel que l’Institut métapsychique international est créé à Paris en 1919, par le mécène Jean Meyer, le Dr Gustave Geley et le Pr Rocco Santoliquido. Dès le départ, l’IMI est reconnu comme une fondation d’utilité publique par le ministère de l’Intérieur.
En réalité, Jean Meyer a l’ingénieuse idée de créer deux sociétés savantes. Il fonde la Société d’études spirites, chargée de développer le spiritisme et son hypothèse de la survie de l’âme, et l’IMI, chargé d’étudier scientifiquement les phénomènes métapsychiques ou paranormaux.
« Bien qu’étant lui-même spirite, Jean Meyer avait un grand respect pour la méthode scientifique. Il a pensé qu’il fallait un institut indépendant pour étudier objectivement les phénomènes métapsychiques » , souligne Mario Varvoglis, psychologue et président actuel de l’IMI. Ses premiers membres comptent le prix Nobel de médecine Charles Richet et le célèbre astronome Camille Flammarion. Tous deux sont de fermes partisans d’une recherche expérimentale libre des préoccupations spirites. Le mot d’ordre : élaborer une méthodologie scientifique et des protocoles sophistiqués. La future devise :
« Le paranormal, nous n’y croyons pas. Nous l’étudions. » L’IMI, doté de fonds importants et d’un laboratoire des mieux équipés, met alors en place des programmes de recherche, des conférences et publie sa Revue métapsychique.
« Des chercheurs du monde entier apprennent le français pour suivre ses travaux, qui sont d’une grande rigueur scientifique. Ses experts réfléchissent à des modèles théoriques et leurs réflexions, extrêmement pointues, sont encore pertinentes aujourd’hui » , détaille Renaud Évrard, maître de conférence à l’Université de Lorraine. Ainsi, la France est, pendant un temps, leader dans la recherche sur le paranormal.
Des moulages inexpliqués
Les premières recherches de l’IMI font sensation. Franek Kluski, déjà connu en Pologne pour sa supposée médiumnité à effets physiques – soit sa capacité à faire sortir une « substance » de son corps et produire des ectoplasmes –, est invité à Paris. Il réussit à faire apparaître, dans des conditions d’expérimentation minutieusement contrôlées, des mains, des pieds et un visage. Le phénomène ectoplasmique étant assez controversé, les chercheurs de l’IMI veulent aller plus loin. Geley, alors directeur de l’IMI, Richet et Flammarion demandent à Kluski non seulement de faire apparaître des mains, mais aussi de les faire plonger dans des bacs de paraffine chaude, plusieurs fois, afin qu’un film de cire se forme à leur surface.
« L’ectoplasme pouvait être apparenté à une projection holographique qui émettait une sorte de lumière, une chaleur, qui changeait de forme, circulait et touchait les témoins. Et, d’une manière que nous ne comprenons pas, Kluski pouvait lui demander de plonger les mains produites dans la paraffine. La forme déposait ensuite les gants de cire refroidie… et s’évaporait » , rapporte Mario Varvoglis, coauteur de Le sixième sens : science et paranormal. Les chercheurs font ensuite des moulages en plâtre de ces gants, qui comportent même les lignes des mains. Des experts indépendants sont chargés de vérifier qu’il ne s’agit ni des mains de Kluski, ni de celles des personnes présentes, ni encore de mains importées de la morgue.
« La position des doigts, parfois repliés ou entrecroisés, est incompatible avec un moulage que l’on aurait pu obtenir avec un sujet réel – qui doit ensuite retirer ses mains des gants de paraffine sans les casser. De plus, les mains sont parfois de taille réduite, alors qu’elles ont les caractéristiques de mains adultes. Comment expliquer cela ? Ces moulages restent aujourd’hui une grande énigme de l’histoire de l’Institut », indique Djohar Si Ahmed, psychologue et actuelle membre de l’IMI.
La métapsychique
Il est intéressant de savoir que c’est un prix Nobel de médecine, Charles Richet, qui proposa, en 1905, le terme « métapsychique » pour désigner l’« étude des phénomènes mécaniques ou psychologiques dus à des forces qui semblent intelligentes ou à des puissances inconnues latentes dans l’intelligence humaine ». Aujourd’hui, la notion de « parapsychologie » est plus couramment usitée.
À l’épreuve des infrarouges
Le Dr Eugene Osty, deuxième directeur de l’IMI, mène également des recherches (...)