Comment associer la science, la joie et le monde invisible ?
Mêler des disciplines qui a priori ne se rencontrent pas, un
pari qu’a réussi tout au long de sa vie l’iconoclaste
Philippe Bobola.
Mieux comprendre le
monde et mieux se
comprendre, tels sont
les enjeux de Philippe
Bobola lorsqu’il entreprend son
cursus universitaire. Un doctorat
en physique lui permet d’assouvir
son besoin de rigueur, mais il déplore
d’enfermer le monde dans des
équations. Des études de biologie
et des recherches sur le cancer lui
permettent d’aborder des systèmes
plus complexes où les mathématiques
ne font pas la loi.
Il découvre
alors que la communauté des biologistes
et des physiciens est parasitée
par des croyances, alors qu’il
pensait être à l’abri de cette subjectivité,
notamment dans la façon de
soigner. Il devient alors anthropologue
pour tenter de comprendre le paramètre croyance qui intervient
dans toute culture. Pour visiter le
coeur de la pensée individuelle, il
se forme ensuite à la psychanalyse.
Conférences, formations, enseignements
universitaires, Philippe
Bobola est un couteau suisse mêlant
les sciences et l’invisible.
Que vous a apporté cette vision
pluridisciplinaire ?
L’intérêt des liens entre chaque discipline.
À l’université, après un doctorat
on est censé avoir réponse à tout.
Mais un docteur en mathématiques
est ignorant en biologie. Il faut s’effacer
et redevenir candide. Souvent,
ceux qui ne savent pas préfèrent
considérer que ce qu’ils ignorent est
minoritaire.
C’est la manière dont
on traite les disciplines nouvelles liées à l’invisible. Une certaine rationalité
m’avait été donnée à travers
mon éducation et je me suis rendu
compte qu’on pouvait considérer la
réalité différemment en fonction de
la culture à laquelle on appartient.
Quand je suis arrivé au Brésil, après
une série de conférences, j’ai invité
au restaurant l’ambassadeur qui
m’avait servi de traducteur et il m’a
dit :
« Maintenant, parlons des choses
sérieuses, qu’est-ce que vous avez à me
dire sur les extraterrestres ? ». J’étais
vraiment surpris. Il a enchaîné :
« Si
vous voulez vous joindre à nous ce
soir, je fais tourner les tables en l’honneur
d’un de vos compatriotes, Alan
Kardec. » J’ai à nouveau montré un
certain recul, et il m’a dit en me regardant
comme si j’étais un insecte :
« Ah je vois. Demain je donne un cours
d’économétrie à l’université de Brasilia,
c’est plus dans votre rationalité. »
Ça ne posait aucun problème à cet
universitaire qui avait une double
carrière d’ambassadeur et d’intellectuel
de faire du spiritisme. Ici, c’est
impossible. Si vous êtes rationnel,
vous ne pouvez pas vous intéresser
au paranormal.
Bio Express
Diplômé en physique et
en biologie, chercheur en
cancérologie puis universitaire,
Philippe Bobola travaille
l’anthropologie et enfin la
psychanalyse. Aujourd’hui, il
dirige un cursus à l’hôpital de
Strasbourg intitulé « Peuples
premiers : un regard pluridisciplinaire
». Il anime des conférences
dans le monde entier.
Qu’avez-vous appris qui puisse
s’appliquer à la santé ?
Le corps ne peut pas être appréhendé
sans l’aspect psychologique.
Derrière tout problème de santé, il
y a une histoire de vie. Une maladie
n’arrive pas n’importe quand. Or, on
passe notre temps à séparer le corps et l’esprit. Si vous avez un problème
cardiaque, on va vous envoyer voir
un cardiologue, mais peut-être que le
problème cardiaque vient d’une rupture
sentimentale. Il faudrait qu’on
envoie la personne vers un psychologue
pour connaître l’impact qu’a eu
cet événement sur elle.
Le mieux est
d’appréhender son patient comme le
ferait un ethnologue. Si une personne
ne croit pas aux médecines parallèles
et que vous l’envoyez vers un
naturopathe, vous aurez
du mal à avoir de bons
résultats.
Il faut qu’il
y ait une cohérence
entre la vision qu’a
le patient de sa maladie
et la façon dont
le thérapeute propose
de le soigner. La
science a mis beaucoup
de temps à accepter le
facteur psychosomatique
d’une maladie.
La maladie
est l’incarnation
d’une émotion
négative.
Maintenant, on
admet la psycho-neuro-immunologie,
c’est-à-dire qu’un stress peut amener
à faire chuter le système immunitaire
d’une personne. La maladie est l’incarnation
d’une émotion négative. Le
cerveau a trouvé un moyen de nous
faire comprendre que l’on vit quelque
chose avec lequel on est en désaccord
en créant un dysfonctionnement dans
notre corps. C’est comme si on mettait
un message dans l’organe malade.
Maintenant que la médecine chinoise
est un peu plus populaire, on sait que
le foie est le réceptacle de la colère, les
reins, c’est la peur. Donc si on a des
problèmes rénaux, ça veut peut-être
dire que l’émotion principale de notre
vie, c’est la peur. (...)