L’amour reflète les forces politiques, économiques et culturelles de chaque époque. Chaque modèle de couple répond à un besoin d’ordre social. Aujourd’hui, l’individualisme, la liberté sexuelle et la consommation ont fait du désir – instable par nature – le socle du couple. L’amour devient quête de soi… et objet de marché. Comment créer un lien durable dans une culture du « toujours plus » ? Extrait du livre de Julie Klotz, Les 4 accords du couple.
Art de vivre
Anthony Tran / Unsplash
Considérons les trois grands conditionnements de l’évolution des rapports entre les hommes et les femmes. Le premier conditionnement est politique : comment l’organisation de la société et donc du droit influe-t-elle sur la façon dont le couple évolue ? Le second conditionnement est économique : de quelle manière le système économique et le niveau de vie d’un pays influencent-ils les rapports entre les hommes et les femmes ? Le troisième conditionnement est culturel : de quelle façon les croyances, idées ou valeurs dominantes d’une société – dont le religieux fait partie – déterminent-elles les relations amoureuses ? Le couple évolue dans un temps de l’histoire précis et un espace géographique donné : son système de fonctionnement en dépend.
On observe deux grands modèles universels de relation avec des prédominances selon l’époque, la zone géographique et la culture du pays : la monogamie et la polygamie. La polygamie englobe elle-même la polygynie (un homme vit ou se marie avec plusieurs femmes) et la polyandrie (une femme vit ou se marie avec plusieurs hommes). (…) La liberté sexuelle est très vite perçue comme une menace pour l’ordre social, d’où la nécessité pour les sociétés d’organiser les relations entre les hommes et les femmes, en définissant un cadre qui a commencé à s’esquisser il y a environ 15 000 ans et qui aboutira à l’institutionnalisation du mariage. […] Plus de la moitié des sociétés monogames connues ont été classées par les anthropologues dans la catégorie des sociétés « sans clivages sociaux » importants. La monogamie apparaît comme favorisant la non-violence. […]
Considéré comme une voie d’élévation et de perfectionnement, l’amour courtois ouvre la porte du mariage d’amour dans l’Europe médiévale du XIIe siècle. L’amoureux doit être loyal, jaloux et prêt à mourir pour sa belle. Au XVe siècle, l’Europe se divise en deux : l’Italie et la France privilégient le mariage d’amour, alors que les autres pays continuent à favoriser le mariage d’intérêt pour répondre aux exigences du projet bourgeois qui souhaite unir les ambitions familiales. « Les familles marchandes cherchent par le mariage à faire prospérer leur nom et à cette fin, à acheter des places pour leurs enfants au sein de familles plus haut placées », analyse Jacques Attali. Il faudra attendre le XVIIe siècle pour que l’amour réciproque commence à triompher au sein du mariage, que ce dernier ne soit plus contraint par la religion ni même par la famille, et le XVIIIe siècle pour que la liberté de choix ne choque plus. […]
C’est après la Seconde Guerre mondiale, puis au début du XXIe siècle, que les rapports hommes/femmes vivent leurs plus grands bouleversements dans les sociétés occidentales : recul de la religion, développement de l’individualisme, avènement de la société de consommation, mondialisation, exode rural, urbanisation, mobilité sociale, développement du célibat, libéralisation des mœurs, évolution des droits des femmes (travail, contraception, avortement), progrès de la médecine, généralisation d’Internet et du numérique, reconnaissance par le mariage des couples homosexuels, développement de la bisexualité… Autant d’évolutions qui vont influencer les relations amoureuses et leurs formes pour les transformer radicalement. Premier grand point : l’individualisme.
Selon Pascal Bruckner, les relations hommes/femmes ont commencé à changer à la fin du XVIIIe siècle quand l’Europe a basculé dans l’économie de marché. Le phénomène s’est ensuite renforcé pendant les Trente Glorieuses avec l’avènement de la société de consommation, puis dans les années 1990 avec la mondialisation. La réalisation de soi, la liberté et l’autonomie des individus émergent comme des idéaux. « La relation conjugale est d’autant plus fragile qu’elle est survalorisée comme un moyen de réalisation de soi », confirme le sociologue Gérard Neyrand. Notre besoin incessant de découverte et d’accomplissement présente des exigences contradictoires : l’amour et l’autonomie, l’attention et l’indépendance.
L’idéal de réalisation personnelle est une institution culturelle très puissante et la liberté est la marque de fabrique de la modernité, selon Eva Illouz. […]
Le désir est désormais au fondement du couple contemporain, ce qui n’était pas le cas au XIXe siècle. « Jadis, tout était dit quand la femme succombait, désormais tout commence quand elle se déshabille », fait remarquer Pascal Bruckner pour qui la libération des mœurs a interverti le cheminement de l’acte amoureux. La relation commence dès lors que l’acte sexuel a lieu, alors qu’auparavant celui-ci était davantage l’aboutissement d’une relation déjà engagée. La dépendance économique, le souhait d’enrichir son patrimoine ou encore le statut social que confère le mariage ne suffisent plus à faire tenir un couple : il existe désormais un impératif social à être sexuellement heureux. Et pourtant, on sait que le désir ne dure pas indéfiniment et qu’il faut un projet distinct de la sexualité pour rester ensemble. Pour Marcela Iacub, le couple passionnel ne peut être que source de désintégration sociale. Quand le mariage repose uniquement sur l’amour passion et la sexualité, le taux de divorce s’envole et le nombre de célibataires explose. En devenant affaire d’amour, le mariage et même le concubinage sont plus fragiles puisqu’ils se défont avec le désamour. […]
Qu’est-ce que le consumérisme romantique ? On pourrait le définir comme le souhait de rechercher quelque chose de nouveau chez chacun de nos amoureux. « Nous ne divorçons plus parce que nous sommes malheureux, mais parce que nous pourrions être plus heureux », observe Esther Perel, psychothérapeute belge qui est devenue une référence internationale
en matière de relations amoureuses. Nous sommes dans un engrenage hédonique, une quête incessante du mieux, conditionnés par une injonction au plaisir. Malheureusement, la quantité d’échanges supplante la qualité des partages. Nous sommes entrés de plein fouet dans la culture du « toujours plus » et du « zapping » sur un marché où la concurrence des partenaires amoureux est à la fois rude et inégale. Pour Eva Illouz, « l’amour romantique hétérosexuel témoigne des deux plus importantes révolutions culturelles du XXe siècle : l’individualisation des manières de vivre et l’intensification des projets de vie affective d’une part, l’économicisation des rapports sociaux et l’omniprésence des modèles économiques dans la formation du moi et de ses émotions, d’autre part ».
Les 4 accords du couple – Comment vivre heureux à deux, Julie Klotz, Éditions Fayard, 2022, Éditions Marabout, 2024.
Et si la sexualité dans le couple était un levier pour l’épanouissement de chacun et de la relation ? Et si la rencontre du féminin et du masculin permettait l’avènement d’une présence sacrée ?
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