Depuis des millénaires, l’humanité vénère certains lieux. Sans
qu’on sache pourquoi, parfois, ils nous attirent, nous bousculent,
nous révèlent. Comment expliquer leur pouvoir ?
Guide-conférencière, Pascaline
Petitberghien se souvient très bien de sa
première visite de la cathédrale de Reims :
« J’avais 7 ans. Pendant que mes parents
faisaient le tour, je suis allée m’asseoir. Soudain, j’ai eu un
coup de chaleur et du mal à respirer. J’avais l’impression
qu’il y avait un monde fou dans la nef, qu’une lumière
forte l’éclairait, qu’une cérémonie s’y déroulait. Je voyais
distinctement des gens avancer vers le choeur. » L’enfant
sort prendre l’air, puis pénètre à nouveau dans l’église.
Là, surprise : tout est calme. L’expérience est forte, elle n’a
pas rêvé.
Comme elle, de nombreuses personnes témoignent
d’étranges expériences au détour de lieux sacrés. Dans
une église, Marie s’est mise à tournoyer sur elle-même
de manière incontrôlée. Dans un des monastères des
Météores, en Grèce, Pierre a senti le temps s’arrêter,
une lumière l’envelopper, son être « se retourner »,
une nouvelle intelligence de la vie se révéler à lui.
Appuyé contre un dolmen, en Bretagne, Stéphane a
eu l’impression que la pierre lui donnait les réponses
à toutes ses questions. En contemplant le soleil se
coucher sur l’Himalaya, Cécile a pleuré d’émotion,
Claire s’est vue habitée d’un sentiment profond de
lâcher prise, de paix et d’unité.
« Les frontières de mon
être s’étaient évanouies ; je faisais partie d’un tout, et
le tout faisait partie de moi », indique-t-elle.
Une magie naturelle
Depuis la nuit des temps, l’homme édifie des lieux qui
le relient à plus vaste que lui. Du Potala au Machu
Picchu, des pyramides de Gizeh à la Kaaba, de la
grotte de Lourdes à l’arbre de la Bodhi, certains sites
allument en nous une flamme intime et mystérieuse.
Quel est leur secret ?
« Ont d’abord été sacrés les sites naturels présentant une
caractéristique remarquable, ressentie comme la présence des
dieux et des esprits » , note le chercheur en archéologie Paul
Devereux. Un rocher en forme de bison, chez les
Indiens anishinabes du Canada. Une plage de
sable au parfum de vanille, aux Îles Fidji.
Une montagne vue comme le sein de la
déesse Terre, un sommet perçu comme
le lien avec le ciel…
« Nos ancêtres
vivaient en symbiose avec la nature,
observe Paul Devereux.
Ils savaient
observer les forces terrestres et célestes,
en percevoir les mouvements subtils, et
célébrer leur magie. »
Le pouvoir d’un site sacré va pourtant au-delà
de l’expérience contemplative. Pour nos ancêtres, la
terre était vivante, porteuse d’énergies particulières liées
des pierres, des plantes ou des gaz qu’on y trouvait.
« Les textes de la Grèce antique indiquent que la Pythie, à
Delphes, prophétisait en état d’extase, au-dessus d’un rocher
duquel sortait un gaz, indique Paul Devereux.
De récentes
recherches ont identifié des fissures dans le sol du temple,
d’où sort effectivement un gaz modifiant l’état de
conscience ! » A cause du manque d’oxygène
et de la présence de substances chimiques,
certaines mines rituelles du Mexique
ont également pu être à l’origine
d’expériences de mort imminente,
propices au sentiment de contact avec
une dimension supérieure.
« Nous avons
découvert que l’intérieur des pyramides
d’Égypte était radioactif, du fait des blocs
de granit utilisés à l’intérieur, révèle encore
Paul Devereux.
Le granit exsude du radon, un
gaz naturellement radioactif. Dans un univers clos,
l’atmosphère peut devenir au moins 6 fois plus radioactive
qu’à l’extérieur, ce qui engendre parfois des visions. Une
personne m’a dit avoir perçu une lumière dans la chambre en
granit d’une pyramide, puis s’être soudain retrouvée dans le
jardin d’une église, où un mariage était en cours. Elle n’a pas
la sensation d’avoir rêvé. Un archéologue, dans une zone que
nous savions radioactive, a aussi vu apparaître un énorme
chien gris. La vision était très précise. Pour lui aussi, c’était
absolument vrai. »
Les sources et les grottes étaient également vénérées,
perçues comme la porte de l’autre monde.
« Les chamanes
et les voyants celtes païens dormaient près de certaines
cascades, cherchant des rêves prophétiques pendant que
le grondement des eaux s’estompait, tel un bruit blanc » ,
explique Paul Devereux. Lieux de silence, d’obscurité et
de privation sensorielle, les grottes engendraient aussi des
visions.
« Saint Jean est censé avoir eu sa révélation dans la
grotte de l’île grecque de Patmos, au Ier siècle » , rappelle le
chercheur.
La modification de l’état de conscience serait-elle donc la
clé des lieux sacrés ? Pour le coach et thérapeute Arnaud
Riou, inité par des maîtres tibétains, l’impact d’un site
sur l’esprit est aussi lié aux énergies géophysiques.
« À la
surface de la Terre, comme à celle du corps, certains points
à son relief, à son environnement sensoriel, au parcours
des astres dans son ciel, mais aussi aux vertus de l’eau, sont plus vibrants que d’autres, mesures électromagnétiques à
l’appui, décrypte-t-il.
Le mont Kailash au Tibet, le canyon
de Sedona aux États-Unis, le désert égyptien… sont les
chakras de la planète, ses points d’acupuncture. » Par effet
de résonance, leur fréquence vibratoire influe sur la nôtre.
« Chaque lieu sacré a sa vibration propre, qui entre en
résonance avec un ou plusieurs de nos chakras », précise
Arnaud Riou. Des sites comme Lourdes activeraient
« notre pouvoir de guérison ». D’autres, comme le pic de
Bugarach, dans l’Aude, ouvriraient « la perception d’autres
mondes ». Selon la personne, sa fréquence propre, la
connexion se fera plutôt avec tel ou tel lieu.
« Moi, chaque
fois que je me retrouve devant l’hêtre de Ponthus, en forêt
de Brocéliande, je pleure sans savoir pourquoi ! », sourit le
thérapeute.
Pour nos ancêtres, la terre était vivante, porteuse d’énergies particulières.
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