La présentatrice star de la météo sur TF1, par ailleurs romancière et actrice, nous parle ici avec pudeur et tendresse de son héritage familial, de la transmission et du rapport intime et mystérieux qu’elle entretient avec la nature.
Depuis 1988, Catherine Laborde anime la météo sur TF1. Une longévité étonnante à la télévision... Mais quels mystères se cachent réellement derrière cette femme de 65 ans, qui affiche encore la silhouette d’une jolie jeune fille devant les écrans, qui joue aussi avec profondeur treize fables de Jean de la Fontaine au théâtre, et qui passe une autre partie de son temps à écrire ? Dans son dernier roman,
Les Chagrins ont la vie dure, une femme se retrouve seule en compagnie d’un enfant dans un train. Ouvrant une discussion avec le môme, pensant pouvoir l’aider, c’est finalement elle qui va s’interroger sur sa propre vie. Des signes autobiographiques se glisseraient-ils dans cette tendre et passionnante histoire, où les bonheurs et les chagrins de l’enfance se mélangent au fur à mesure que le temps passe ? Arrivés dans un bel, immeuble parisien, c’est une sexagénaire attentive et d’une extrême gentillesse qui vient nous accueillir et nous conduire dans son appartement, qui abonde en livres et en plantes, pour commencer la conversation.
Dans votre roman, il y a un côté très mélancolique… Vous pensez que tout se joue vraiment dans l’enfance, et qu’après ce n’est qu’une suite logique ou illogique de coïncidences ?
Je crois que tout se joue pendant l’enfance, oui... Enfin presque tout. Je pense qu’on est déterminé par la manière dont on est venu au monde, et par le rapport au monde qu’on a jusqu’à l’âge de 7 ans. Mais dans ce « presque », il y a quand même toute la liberté de l’humain qui est la et c’est ce « presque » que j’essaie de cultiver le plus possible. Il y a un moment ou, en effet, on est un individu unique, ou on n’appartient qu’à soi-même, c’est cela la liberté et le libre arbitre ! Et après 15 ans d’analyse freudienne, j’ai observé que lorsqu’on fait un pas de côté, pour pouvoir regarder qui on est, ce qu’on est devenu, avec un petit peu de distance, c’est cette petite distance qui nous amène a la liberté. C’est peut-être pour ça que j’écris des livres...
Pour mieux vous connaître ?
À partir du moment où on écrit, on est obligé de faire ce pas de côté, on ne peut pas se dire :
« Il ne faut pas que j’écrive ça, il ne faut pas que j’écrive ça… » L’écriture est une obligation de liberté ! Quand j’ai commencé à écrire ce roman, je me suis dit :
« C’est un roman, donc les gens ne vont pas venir m’embêter en me demandant si c’est vrai... » Et pour tromper les gens, j’ai quand même imaginé un personnage qui s’appelle Catherine Laborde et qui présente la météo sur TF1. Mais je me suis rendu compte en écrivant ce roman que je me suis mise beaucoup plus à nu qu’en écrivant tous les récits sur ma vie personnelle !
Cela vous a permis de transcender quelque chose en vous ?
En écrivant, j’avais peur de me faire aspirer ou engloutir par mon enfance, par ma maman, donc je me suis dit :
« Je vais créer ce petit garçon. » Mais ce petit garçon a pris une importance énorme dans le livre. C’est très inattendu… Dans certaines émissions, les auteurs viennent parler de leurs livres. Ils parlent des personnages qu’ils ont écrits comme si c’étaient des êtres vivants. J’ai toujours trouvé ça ridicule... J’ai mis un certain temps avant de comprendre que Proust aussi écrivait des personnages qui n’étaient pas forcément vrais mais qui étaient plus vrais que les vrais ! Et tout à coup, je me suis rendu compte que le petit garçon, dans ce livre, et sans prétention, prenait une place importante. Et il était grand temps que je lui donne la parole...
Dans cet espace de créativité, est-ce que vous avez l’impression que parfois les informations vous arrivent d’ailleurs ?
J’aimerais bien... Mais je n’en suis pas sure. C’est comme croire en Dieu, j’aimerais bien, franchement, j’aimerais bien… Là, vous voyez, je joue un spectacle le soir,
Il était une fable, qui a pour thème les animaux de Jean de La Fontaine. Et je suis tombée l’autre jour sur une copine de boulot, une maquilleuse a TF1, qui me dit :
« Tu sais, Catherine, les animaux t’entourent ! » Personne ne me parle jamais des animaux... Elle était comme le porte-parole des animaux de la fable, et a continué :
« Les animaux sont autour de toi et te protègent. » Pourtant, c’est une femme qui a les pieds sur terre ! Le lendemain, je vois une petite fourmi dans ma salle de bains et je l’écrase. Oui, une fourmi dans la salle de bains, on l’écrase...
J’ai une branche de coudrier, et avec, je peux trouver de l’eau...
Et là, je me dis :
« Mon Dieu, j’ai écrasé une fourmi dans la salle de bains ! » C’était terrible parce que je cite la fourmi dans mon spectacle plusieurs fois ! J’étais effondrée... Le lendemain, une autre fourmi arrive. Mais alors, celle-là, elle était chez elle, et elle a pu entraîner les copines ! Je ne sais pas si c’est grotesque, mais je tombe dans ces pièges-là. Il faut dire que j’ai une grand-mère espagnole qui voyait régulièrement l’Esprit saint taper son pied pour la réveiller quand elle s’endormait, elle m’a raconté ça plusieurs fois…
C’est-à-dire ?
Oui, le Saint-Esprit
himself, avec ses petites ailes... Souvent, il venait la réveiller en sursaut, et la taper sur le pied, c’était ça son truc. Elle était extrêmement croyante mais elle était analphabète, donc elle avait une sorte de religion personnelle. Et son mari, mon grand-père, était puisatier. J’ai d’ailleurs, d’une certaine manière, hérité de son pouvoir. J’ai une branche de coudrier, et avec, je peux trouver de l’eau...
Vous avez expérimenté avec une baguette de sourcier pour trouver de l’eau ? Vous en avez trouvé ?
Je n’ai pas creusé pour vérifier... Mais lui ne se trompait pas : il avait ce don de trouver de l’eau, et quand il disait : « Là, il y a de l’eau », il mettait trois cailloux dans sa main, puis il disait :
« C’est à trois mètres ! » Il prenait sa pioche, et il creusait les puits, car il n’y avait pas d’eau courante à l’époque, c’était un sacré boulot ! Il faut dire qu’il avait été mineur dans les Asturies et qu’à la suite d’une grève dont il avait été l’un des leaders, on lui avait supprimé son travail immédiatement, il s’était alors retrouvé avec une femme et trois enfants sans rien, vraiment rien. Il est donc parti de l’autre côté des Pyrénées pour trouver du travail. Et comme il n’y a pas de mines près des Pyrénées… Il a dû développer ce don.
Et comment vous a-t-il transmis ce don ?
En me montrant le mécanisme : il ne faut pas trop serrer la branche de coudrier, il faut qu’elle soit bien épluchée et il faut se laisser guider, il ne faut surtout pas l’influencer et aller à droite ou à gauche, on n’est pas aux autos-tamponneuses… (...)