Trois personnalités venant d’horizons divers, Jan Kounen, Jeremy Narby et Vincent Ravalec, mêlent pour la première fois leurs voix et témoignent librement d’une pratique qui échappe à l’ordinaire : la découverte et l’expérience du chamanisme par des Occidentaux.
Savoirs ancestraux
Jeremy : Vincent, quelle est la genèse de ton intérêt pour le
chamanisme ?
Vincent : La genèse de mon intérêt pour le chamanisme est très
simple : c’est que j’étais adolescent dans les années 1970. Et même
si aujourd’hui elles nous apparaissent pour le moins fumeuses
et légèrement déstructurées, les années 1970 étaient porteuses
d’énormément de mythes : la science-fiction, la bande dessinée,
un accès à une spiritualité mondiale, qui était dans l’air du temps
depuis le début du vingtième siècle, avec les théosophes et tout
ça, mais qui a vraiment pris une ampleur dans les années 1970,
du fait aussi de la mondialisation des voyages.
Quand j’étais adolescent, je voyais des gens qui revenaient
d’Amérique du Sud ou des ashrams en Inde. Ça a vraiment bercé
mon imaginaire. Et quand j’ai été un peu plus âgé, je me suis dit
que c’était l’occasion ou jamais d’aller voir si ce que j’avais lu
était vrai, s’il y avait vraiment des gens qui lévitaient comme dans
Tintin au Tibet, s’il y avait vraiment des sorciers dans la forêt,
des choses comme ça. C’était en fait sous-tendu, un, par une
curiosité vraiment des plus basiques, et deux, par une curiosité
existentielle. Je pensais que derrière tout ça, il y avait peut-etre
des portes que l’on pouvait pousser, que derrière ces portes, il y
avait peut-etre un savoir différent. J’y suis vraiment allé en toute
candeur et en toute naïveté.
Jeremy : Tu as grandi en ville ?
Vincent : J’ai toujours été quelqu’un d’urbain ; j’ai grandi en
banlieue parisienne. Je suis né à Paris, et – je pense que ça recoupe
d’autres questions qu’on peut aborder après – pour moi la vie
citadine était une espèce d’énigme. Donc, même si je ne me le
suis pas formulé comme ça, c’était aussi une manière d’aller voir
quelles étaient nos origines.
Je pense que c’est une des choses les plus intéressantes dans le
chamanisme, cette espèce de bond dans la conscience collective
de notre planète. On peut, en quelques heures d’avion, à relativement
peu de frais, faire un bond dans un passé qui somme
toute n’est pas très éloigné pour nous.
Sans même entrer tout de suite dans une expérience chamanique,
rien que de voir à quoi sont confrontés les gens, en
Amazonie, en Afrique – ce qui doit être proche de notre situation
il y a quelques siècles ou quelques milliers d’années –, rien
que ça, c’est déjà un choc très important, et une manière de se
positionner différemment dans le temps parce qu’on voit plus
facilement d’où l’on vient.
Donc, voilà, la genèse de mon intérêt pour le chamanisme,
c’est une mythologie adolescente nourrie d’un imaginaire relativement
bon marché, entre la bande dessinée et la collection
J’ai lu, L’Aventure mystérieuse, la collection Robert Laffont, Les
Mondes parallèles.
Et ce qui est assez marrant, c’est que je suis vraiment allé
sur les lieux des livres que j’avais lus. Par exemple, les trucs de
Nazca ; c’était Pierre Charron, je crois, qui avait fait ce livre sur
les petites pierres, avec des dinosaures ailés et la piste d’atterrissage
des extraterrestres. Eh bien, avec Marc Caro – qui est par
ailleurs cinéaste – on y a été ! (Rires.) On a été au musée du type
regarder si ce truc-la était vrai. On avait lu ça quand on avait
quatorze-quinze ans, et c’était… Aller sur les traces d’un rêve.
(Silence.)
Jeremy : Quand j’étais enfant, en grandissant dans les faubourgs
de Montréal, je voyais des Indiens dans les réserves autour
de la ville et ça me faisait plutôt peur. L’attitude des gens autour
de moi était de dire : « C’est comme des gitans, ces gens-la ; ce sont des voleurs, on ne peut pas leur faire confiance. Il faut se
tenir à distance quand on passe à travers les réserves d’Indiens. »
En fait, nous autres Blancs, dans nos voitures, nous avions honte,
on regardait ailleurs. J’avais peur des Indiens, et ce n’était pas
de ma faute : ma culture était raciste.
On est parti en Suisse quand j’avais dix ans, et ce n’étaient pas
les Indiens qui m’intéressaient à ce moment-la, mais plutôt les
dauphins, qui semblaient si intelligents, et doués d’une certaine
conscience. Je me suis renseigné auprès de Robert Stenuit, un
écrivain belge qui a écrit sur les dauphins, sur ce qu’il fallait faire
pour devenir delphinologue. À douze-treize ans, je lui ai écrit
une lettre et il m’avait répondu qu’il fallait aller à l’université et
faire de la science, plein de chimie et de mathématiques, pour
pouvoir étudier les dauphins. C’était un peu décourageant.
En arrivant à dix-huit ans, ce qui m’intéressait particulièrement,
c’était la question des riches et des pauvres – on est loin
encore des états modifiés de conscience.
J’ai fini par étudier l’histoire à l’université. À dix-neuf ans, j’ai
développé un intérêt pour l’histoire de la folie, suite à la lecture
du livre de Thomas Szasz, Le Mythe de la maladie mentale, et de
celui de Michel Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique.
Un ami de mon père m’a conseillé, lorsqu’il a entendu que je
voulais faire mon mémoire de licence sur l’histoire de la folie,
d’aller voir le psychiatre Humphry Osmond. C’est lui qui a fondé
le mot « psychédélique » et qui a administré la mescaline à Aldous
Huxley lors de l’expérience qui devait mener à l’écriture du livre
Les Portes de la perception.
Alors, à dix-neuf ans, j’ai passé un mois en Alabama, chez
Humphry Osmond. Je l’accompagnais tous les jours à l’hôpital,
et je passais les soirées avec lui dans sa bibliothèque. Il m’a montré
tous ses livres et m’a parlé longuement du LSD. Parce qu’au
début, dans les années 1950, le LSD était un outil que la science
considérait comme potentiellement utile, avec toutes sortes de
capacités, comme de pouvoir guérir l’alcoolisme.
C’est dans la bibliothèque de Humphry Osmond que j’ai commencé
à lire tout ce qui touchait au LSD, à la mescaline et aux
hallucinogènes. C’est vrai que c’était fascinant pour quelqu’un qui s’intéressait aux états de conscience, à comment le cerveau
fonctionne, quelles sont ses molécules, les mondes auxquels elles
donnent accès.
À partir de là, à l’âge de vingt ans, une fois de retour dans
mon université en Angleterre, j’ai commencé à dévorer non seulement
tous les livres sur le sujet, mais aussi les champignons qui
poussaient dans les champs. C’est-a-dire qu’on peut lire, mais on
peut aussi essayer. C’était possible de manger des champignons
un jour, de lire Castaneda le lendemain, et de se dire : « Mais
oui, il y a là un savoir, comme ce que les chamanes racontent. Il
y a là quelque chose qui rend très bizarre par rapport à l’état de
conscience et la société occidentale de consommation. »
Tu vas au supermarché sous champignons, et tu commences
à déconstruire la réalité devant tes yeux. Tu dis : « C’est quoi
tous ces produits emballés sous plastique, ça vient d’où ? C’est
quoi ces poulets découpés en morceaux ? C’est quoi ce monde
industriel bizarroïde qui est ma réalité normale et que je suis en
train de voir comme un drôle de film, présentement ? »
Chaque prise d’hallucinogènes (des champignons psilocybes
et du LSD) était une baffe monstre, presque philosophique, qui
me faisait réfléchir à toutes les grandes questions. Qu’est-ce que
l’existence ? Qu’est-ce que la culture ? Quelles sont les valeurs
que notre société nous injecte même quand on ne s’en rend
pas compte ? Et d’ailleurs, comment est-ce que je sais ? Que de
questions !
C’était clair qu’il y avait là quelque chose qui restait mal compris
par notre culture. Quelque chose de pertinent pour quelqu’un qui
s’intéresse aux inégalités dans le monde – à ce moment-la j’étais
devenu marxiste –, pour quelqu’un qui s’intéresse aux inégalités
de classe, de race et de genre… Alors voilà : j’ai quitté l’histoire
pour commencer des études d’anthropologie.
Il s’agissait de radicalement repenser le monde, de focaliser
sur les inégalités qui existent entre les humains et d’essayer de
voir comment ça s’est construit historiquement, culturellement.
Analyser tout ça en essayant d’utiliser ces outils de modification
de conscience pour sortir de ma culture, essayer de la regarder
depuis au-dessus. Le but était de changer le monde, en fait.
Jan : Et les chamanes ?
Jeremy : Non, en tant qu’anthropologue.
Jan : Oui, mais les chamanes ?
Jeremy : Ah, oui ! Les chamanes… merci.
En tant que jeune anthropologue, j’ai commencé à m’intéresser
au « développement du tiers-monde ». Je voulais réaliser une
critique de la politique des grandes banques internationales du
développement, genre Banque mondiale. À cette époque-là, au
début des années 1980, ces banques investissaient des centaines
de millions de dollars pour construire des routes de pénétration
en Amazonie, pour exproprier les indigènes et mettre en place
des colons éleveurs de bétail. Tout ça au nom du « développement
». J’ai décidé d’aller en Amazonie regarder le conflit entre
les bulldozers, les millions de dollars de la Banque mondiale
versus les gars avec des flèches et les pieds nus. C’étaient deux
concepts complètement différents. Du point de vue des Indiens,
le développement, ce n’est pas raser la forêt, mettre du bétail,
expulser les gens… C’est reconnaître que ces gens ont un savoir
à propos de leur forêt, qu’ils savent l’utiliser sans la détruire. Ça,
c’est du développement : reconnaître les droits territoriaux des
peuples indigènes, et travailler ensemble, avec eux, pour que ce
milieu fragile et précieux continue d’exister.
Il s’agissait, à ce moment-la, de faire acte d’anthropologie
politiquement engagé, d’aller vivre chez les Indiens, en Amazonie
péruvienne, là où arrivaient les bulldozers, et de montrer qu’ils
avaient un savoir pertinent à propos de la forêt.
Et le petit gars qui avait peur des Indiens à Montréal s’est
retrouvé, en octobre 1984, dans un village ashaninca ; et c’est
vrai que j’avais peur d’être scalpé, le premier soir. C’est tout
bête, ce genre de préjugé.
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