Pour son livre Comprendre l’invisible pour manager autrement, Catherine Cianci a interviewé Sébastien Lilli, cofondateur de l’INREES et rédacteur en chef d’Inexploré. Chef d’entreprise depuis plus de quinze ans, il conjugue rigueur managériale et exploration sensible de l’invisible… Dans cet échange éclairant, il partage sa vision de l’intuition, le rôle de cette dernière dans la prise de décisions, et comment l’utiliser en équipe avec justesse.
Inspirations
DR / Midjourney
Depuis plusieurs mois que je collabore avec Sébastien pour Inexploré digital, je suis régulièrement surprise par la rigueur et la précision dont il fait preuve par rapport à des sujets qui peuvent, parfois, sembler éthérés. Fortement connecté à l’invisible, Sébastien a cette capacité à en parler de manière concrète et structurée. De plus, étant manager depuis plus de quinze ans, il a une vision réaliste et éprouvée du monde de l’entreprise. Avec toutes ces cordes à son arc, il ne pouvait que trouver sa place dans ce livre. Ensemble, nous lui avons taillé un thème net et précis autour de l’intuition.
Pour commencer, peux-tu nous expliquer ce que sont l’INREES, Inexploré et ce que tu y fais ?
J’ai cocréé l’INREES en 2007 avec Stéphane Allix. Il a impulsé l’idée et je l’ai rejoint quelques semaines après. L’INREES, c’est un laboratoire d’idées, de recherches et d’expériences autour de l’extraordinaire. On essaie de faire des ponts entre science et spiritualité. Et ça nous a amenés à créer Inexploré, qui est un média à 360 degrés. On y parle de différents sujets qui vont de l’au-delà aux perceptions extrasensorielles ou à la spiritualité en général.
En 2007, on était deux dans l’aventure : Stéphane et moi. Je suis devenu directeur de l’INREES et d’Inexploré en 2013. Stéphane a quitté le navire pour garder uniquement sa casquette d’auteur et d’écrivain. Aujourd’hui, on a une dizaine de salariés et une trentaine de collaborateurs assez réguliers, qui vont des graphistes aux intermittents et aux journalistes.
Pour entrer dans le vif du sujet, comment savoir que nous sommes face à une intuition ?
On peut difficilement savoir que c’est une intuition, mais on peut se faire une meilleure idée au fil du temps si on réussit à bien se connaître et à appréhender notre vie intérieure. On peut être amenés à découvrir qu’il existe une intelligence intuitive qui va se manifester par des voix, des visions, des flashs et par tout un tas de ressentis qui sont un peu le prolongement de nos sens.
Ces signaux vont être interprétés par notre cerveau et soumis à différents biais cognitifs qui vont essayer de les comprendre. Vu que notre cerveau est là pour filtrer et interpréter tout ce qui nous parvient, on n’a pas un moyen clair, net et précis de savoir s’il s’agit d’une intuition ou d’autre chose. Et c’est pour ça qu’il faut réussir à appréhender d’où nous vient le signal.
Avec quoi l’intuition peut-elle être confondue, selon toi ?
Quand on s’intéresse à notre vie intérieure, on se rend compte qu’on a une charge émotionnelle en lien avec notre histoire qui est souvent extrêmement forte. Ça peut être des histoires douloureuses ou heureuses qui vont résonner émotionnellement. En fonction de ce que nous aimons ou de ce que nous avons vécu dans le passé, les signaux de notre vie intérieure vont être interprétés comme des dangers ou comme des voies à suivre.
Quelle est cette information qui nous parvient ? Est-ce que c’est une intuition ? Il est toujours délicat de le mesurer. Et donc, tout l’enjeu revient à comprendre notre histoire et la nature de notre terreau. Pour ensuite se dire que si l’on a tel ressenti, ce n’est peut-être pas une intuition, mais une émotion ou une peur qui a été mal vécue. Et qu’on vient projeter sur une situation future.
Notre mental fonctionne de la même façon. Par notre culture, par ce qu’on a appris et par tout ce qu’on lui a donné à manger depuis notre naissance, notre mental va former un tunnel de réalité.
Et tout l’intérêt de la connaissance de soi, c’est de savoir ce qui relève, chez nous, d’une émotion ou d’une construction mentale. Une intuition, c’est quelque chose d’autre. C’est une information au-delà de l’espace et du temps, dont on mesure encore mal la définition. Mais qui vient nous apporter une voie à suivre, un conseil, quelque chose de positif, en général.
Pourrais-tu nous donner ta vision de l’intuition ?
Je pense que l’intuition se compose de différentes lames, un peu comme un éventail vénitien. Et ces différentes lames sont cachées par une sorte de voile qui nous empêche de savoir si on est face à un instinct biologique, à un inconscient neuronal ou à des perceptions extrasensorielles.
Certains parlent de l’instinct comme d’un héritage biologique, d’une réaction du corps pour survivre. Mais dans certaines situations, elle ressemble comme deux gouttes d’eau à l’intuition.
Est-ce un inconscient neuronal qui est basé sur notre expérience de la réalité ou sur la maîtrise d’un sujet, en lien avec nos savoirs ? Il y aurait des mécanismes cognitifs qui, en fonction de notre expérience, nous aideraient à saisir les signaux dont je parlais.
Et puis, il y a les perceptions extrasensorielles qui sont de l’ordre du virtuose en parapsychologie. Il n’y a pas de contraintes temporelles et spatiales, mais des fulgurances. Et là, ça relève pleinement de l’intuition. Ce phénomène est comparable à des perceptions un peu plus spirituelles qui viennent des profondeurs. Elles sont là pour nous tourner vers la voie du cœur.
C’est cette composition de l’éventail qu’il faut bien appréhender et séparer de notre tunnel de réalité émotionnel ou mental. Ce dernier vient donner une coloration très subjective et très intime au monde. Mais il peut nous tromper quand il s’agit d’intuition.
Qu’est-ce que tu dirais à un manager qui doute de son intuition ? Que peut-il faire pour l’utiliser de la manière la plus juste possible ?
L’une des meilleures méthodes consiste à passer son intuition au tamis. Est-ce que le signal qui me parvient est un vécu de l’ordre du vérifié ? Quand on a vécu quelque chose et qu’on sait ce dont il s’agit, c’est clairement vérifié et on peut l’analyser comme tel.
Est-ce de la croyance ou du pressentiment ? En général, cela vient également toucher à des sentiments qui sont de l’ordre de l’émotionnel : peur, colère, anxiété. Ce sont des réactions psychologiques et physiques qui se déclenchent en réponse à une situation, un événement.
Est-ce que c’est une pensée ou une hypothèse ? Une hypothèse, il y a un point d’interrogation à la fin, il y a quelque chose d’assez flottant, qui ne s’ancre pas, mais qui est là.
Et puis, il y a ce qui relève de l’intuition et de la fulgurance. C’est une information qui nous parvient, qui va passer toutes les épreuves de par sa justesse et qui va au-delà de tout ce qu’on a dit précédemment.
Donc, passer au tamis ce qu’on considère comme une intuition, ça veut dire s’interroger. Par exemple, si depuis l’enfance, on me dit que la forêt est dangereuse, et qu’on me propose d’y aller, je vais peut-être élaborer un tas d’hypothèses sur ce qui va m’arriver. Ce n’est pas du pressentiment, ce sont des constructions mentales.
Par contre, une intuition serait de ne rien connaître à l’environnement dans lequel on arrive, de n’avoir absolument aucune idée de ce qu’on va y trouver et de ressentir quelque chose de l’ordre de l’extraordinaire ou de l’inhabituel. Et petit à petit, sans passer par le filtre de la raison, l’information peut devenir évidente.
Quand nous avons préparé cette interview, tu m’as dit que pour appréhender ton intuition, au début, tu notais tes observations. Est-ce que tu peux nous éclairer à ce sujet ?
Effectivement, quand on note nos ressentis, on les clarifie. Ce qui est intéressant, ce n’est pas de noter le signal réinterprété, mais d’essayer de remonter à la source. Qu’est-ce que je ressens dans mon corps et dans mon esprit ? Ça peut être très sensoriel, une intuition.
Revenir à l’essence de nos ressentis va nous aider à faire un tableau en deux colonnes. Avec, d’une part, tout ce qui est sensoriel et impalpable. Quelque chose que je n’appréhende pas vraiment, qui n’est pas tout de suite interprétable. Et qui est peut-être finalement une perception extrasensorielle.
Et, d’autre part, tout ce qui est de l’ordre de l’émotion récurrente ou de la construction mentale. Des choses qu’on peut relier au hamster dans sa roue qui tourne en permanence à l’intérieur de nous et qui sont de l’ordre du raisonnement.
C’est ça qu’il faut réussir à séparer. L’intuition n’est pas le raisonnement. Donc, l’interprétation est à mettre de côté pour séparer le bon grain de l’ivraie. C’est là où la méditation et d’autres outils nous aident à appréhender cette vie intérieure.
Et toi, en tant que chef d’entreprise, comment utilises-tu ton intuition dans ton travail ?
Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’intuition est dénuée de conditionnements spatiotemporels. Une des premières choses que j’ai apprises, c’est qu’elle peut parfois s’incarner, longtemps à l’avance. J’ai eu l’intuition, par exemple en 2009, qu’il fallait lancer une web télé chez Inexploré. Je sentais qu’on était en train de changer de paradigme et que ça pouvait répondre à un réel besoin.
Ça n’avait pas réellement de sens parce qu’on n’avait pas le budget à cette époque, la télé traditionnelle était largement en tête des audiences et la dynamique web n’était pas encore installée. Et puis, au fur et à mesure, je me suis aperçu que cette intuition sautait tous les obstacles. J’avais beau me dire que c’était peut-être une construction mentale, tous les signaux passaient au vert.
Et quelques années plus tard, je me suis dit qu’il était temps de concrétiser ce projet. On a lancé une campagne de crowdfunding, qui s’est super bien passée. On a réussi à lever 200 000 euros auprès de notre communauté. Et en 2015, on a lancé Inexploré TV. C’était avant l’arrivée de Netflix en France.
C’est un exemple d’une intuition qui m’a accompagné pendant des années et qui m’a un peu oppressé au début. Parce que je ne comprenais pas que l’intuition pouvait nous envoyer un message à aussi long terme. J’étais extrêmement angoissé à l’idée de ne pas avoir les moyens de lancer cette web télé. Et en fait, on s’est offert cette opportunité. Finalement, ça m’a aidé à construire notre écosystème, celui d’un média à 360 degrés.
Tu viens de nous parler d’une innovation produit, mais tu n’as pas lancé Inexploré TV tout seul. Comment partages-tu tes intuitions avec tes équipes ?
L’intuition est en général très personnelle. Et donc, effectivement, si on ne fait pas un travail autour de l’intelligence collective pour qu’elle prenne corps dans l’entreprise, ça peut être délicat pour les autres de la comprendre.
Là, on parle de cette toile invisible qui nous relie. Si c’est réellement une intuition, c’est que quelque chose nous dépasse finalement dans cette aventure. Et donc, les autres sont aussi en mesure de la capter et de se l’approprier. C’est ce qui va permettre à un groupe de travailler sur un projet, avec une vision commune. Avec Inexploré TV, on s’est reliés à la même intention, et c’est ce qui a permis à d’autres collaborateurs d’aller encore plus loin dans les idées, tout en restant connectés au sens du projet.
Comment ton intuition t’aide-t-elle dans la gestion de ton équipe ?
En fait, l’intuition nous met en lien avec le monde, avec les autres et avec l’invisible. Donc, une fois qu’on accueille cette voix du cœur et cet éventail de signaux, on va évidemment pouvoir s’en servir dans notre management. Quand on est en lien avec son équipe, il peut se passer des choses un peu extraordinaires, mais qui participent à la sensibilité et à l’empathie qu’on a les uns pour les autres. Et qui nous invitent dans un certain nombre de cas à prendre les bonnes décisions.
Mais je pense qu’il serait dangereux de laisser à l’intuition seule la responsabilité de nos choix. L’intuition, surtout au sein d’un groupe, doit se valider. C’est un peu comme ce saut d’obstacles dont je parlais avec la web télé. Parfois, ça nous invite à prendre des décisions un peu moins rationnelles, mais il faut que les signaux passent au vert pour continuer sur ce chemin. Si on se rend compte que cette intuition n’a pas de sens, ce n’était peut-être pas une intuition.
Il faut donc faire attention, dans notre gestion d’équipe, à apporter du discernement dans ce qu’il se passe, que ce soit notre propre vie intérieure ou celle des autres. Parce qu’on peut, assez souvent, entendre des gens, sous couvert de l’intuition, prétendre tout et n’importe quoi. Et ça, c’est le danger. Vu que l’intuition est insaisissable, elle n’est pas maîtrisable. Il suffit que je te dise que j’ai une bonne intuition pour, quelque part, développer un pouvoir sur toi qui va être extrêmement malsain.
En plus, on ne peut pas avoir cent pour cent raison sur chacun de nos choix. Au-delà de l’intuition et de tout cet éventail, on garde notre libre arbitre pour essayer de naviguer dans ce brouillard et trouver les bons chemins. Quelle serait la vie si on ne faisait que de bons choix ? Le mystère, c’est aussi ce qui nous rend vivants et il faut l’accepter.
Quel serait ton mot de la fin pour un manager qui se questionne sur son rapport à l’intuition ?
Écouter son intuition, c’est apprendre à suivre la voix du cœur, celle qui nous invite à vivre pleinement dans le moment présent, mais qui nous incite aussi à développer une vision sur le moyen et le long terme, à privilégier des projets qui vont perdurer, qui vont être utiles et qui vont marquer l’histoire.
Cette voix du cœur nous inscrit dans quelque chose de paisible, qui nous rend joyeux, amoureux de nos collaborateurs, de la nature et de la planète. Cela me semble indispensable dans un monde où on se pose trop de questions superficielles qui nuisent à ce lien humain. Qui est, je pense, ce qu’il y a de plus beau sur cette planète.
Dans son dernier ouvrage Comment devenir un être spirituel authentique, Serge Boutboul aborde de nombreux sujets pour nous guider dans notre cheminement intérieur : mission d’incarnation, éveil, libération d’obstacles, aide aux autres, connexion à d’autres plans de conscience… Dans cet extrait, ...
8 novembre 2023
Le discernement pour avancer sur un chemin spirituel authentique
Nous aimerions tous savoir utiliser notre intuition. Mais l’enjeu va bien au-delà. La mise en œuvre de l’intuition appelle une révision de nos systèmes. Ce n’est pas une utopie. Certaines entreprises expérimentent déjà cette voie.
15 février 2012
L’intelligence intuitive : la liberté au cœur de nos systèmes
Natacha Calestrémé, Christophe Caupenne, Jean-François Masson, Thierry Boiron, Patrick Chauvel et Madeleine Chapsal ont un point commun : d’une façon ou d’une autre, leur vie professionnelle ou personnelle a été marquée par des instants extraordinaires, des fulgurances intuitives. Et si ...
Faut-il un don ou connaître l’éveil pour développer ses capacités extrasensorielles ? Pour Serge Boutboul, il aura suffi de tomber sur le bon professeur, et d’un peu de persévérance. Enseignant en développement des facultés « psychiques et spirituelles » depuis plus ...
6 juillet 2018
Serge Boutboul - Les facultés spirituelles à la portée de tous
Cette pratique chinoise millénaire va permettre de saisir le dynamisme des situations et d’adopter l’attitude la plus juste. Son cousin le Qi Men Dun Jia offre un éclairage sur le chemin de vie.
Il s’en va des idées comme des traits d’esprit : une fulgurance nous saisit, comme venue de nulle part. D’où viennent-elles ? Quels territoires extraordinaires révèlent-elles ?
Nous aimerions tous savoir utiliser notre intuition. Mais l’enjeu va bien au-delà. La mise en œuvre de l’intuition appelle une révision de nos systèmes. Ce n’est pas une utopie. Certaines entreprises expérimentent déjà cette voie.
15 février 2012
L’intelligence intuitive : la liberté au cœur de nos systèmes
Qu’entend-on réellement par intuition ? Faut-il la préférer à la rationalité ? Par quels processus complexes nous parvient-elle, et comment la développer ? Bienvenue dans les profondeurs de l’inconscient et des capacités extrasensorielles…
L’INREES utilise des cookies nécessaires au bon fonctionnement
technique du site internet. Ces cookies sont indispensables pour
permettre la connexion à votre compte, optimiser votre navigation et
sécuriser les processus de commande. L’INREES n’utilise pas de
cookies paramétrables. En cliquant sur ‘accepter’ vous acceptez ces
cookies strictement nécessaires à une expérience de navigation sur
notre site.
[En savoir plus][Accepter][Refuser]