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Alain Cassourra, médecin, ostéopathe, chargé de cours à la faculté de médecine Paris-XIII raconte son itinéraire personnel de la médecine classique à l’ostéopathie dans un livre intitulé L’énergie, l’émotion, la pensée au bout des doigts : au-delà de l’ostéopathie. Nous l’avons rencontré. Portrait d’un médecin qui, depuis plus de vingt ans, soigne et fait parler les corps.
Il dialogue avec les corps
Santé corps-esprit
Pétri par ses connaissances acquises sur les bancs de la faculté de médecine, Alain Cassourra était un cartésien pur et dur. Un sceptique devant l’Éternel, « suspicieux face à tous les discours sur les pratiques de soins parallèles » qu’il considérait, avoue-t-il, « comme peu plausibles ».

Mais la vie réserve parfois bien des surprises. Et c’est bien malgré lui qu’Alain Cassourra va être happé par l’ostéopathie. Principale initiatrice : la danse. Fasciné par les ballets de Béjart, il décide un jour de suivre des cours de danse contemporaine et classique. Pendant douze ans, cette passion lui ouvrira les portes du « senti », lui donnera la compréhension du mouvement et l’invitera au lâcher prise. « Tous les danseurs que je rencontrais étaient déjà passés chez un ostéopathe, se souvient Alain Cassourra. J’étais partagé entre la curiosité et un jugement impulsif de dénigrement. Je ne connaissais rien à cette discipline. Au fond de moi, je manifestais une certaine condescendance envers ces pauvres patients crédules qui allaient remettre leur santé entre les mains de non-médecins. Connaissant mes diplômes, dans les vestiaires ou au début d’un cours, les danseurs me demandaient mon avis : « Je fais des chutes au sol en roulant sur le cou-de-pied et depuis je n’ai plus d’amorti, que dois-je faire ? Ou encore : « Quand je fais des déboulés, sur le côté droit, j’ai du mal à faire suivre la tête, ça coince au niveau du cou, qu’en penses-tu ? » J’étais bien démuni pour répondre à ce genre de questions ! Mes études de médecine ne m’avaient pas préparé à entendre pareilles requêtes, et à répondre à des problématiques mécaniques aussi spécifiques. Je pouvais conseiller du repos, un anti-inflammatoire et quelques séances de kinésithérapie mais soyons clair, tout cela aurait été sans effet. J’étais sans solution. Devant mon embarras, la réponse tombait : « T’inquiète, je vais aller voir mon ostéo ! » C’est agaçant, non ? D’autant que quelques jours plus tard, quand nous nous recroisions, le danseur en question ne présentait plus de problèmes de grands battements, de tours pirouettes, de coup-de-pied ou de déboulés. L’histoire avait été réglée en une séance. Ma curiosité était ravivée. Qu’est-ce que cette foutue ostéopathie ? »

Lors d’une répétition, Alain Cassourra se blesse à son tour. Un porté loupé, il s’écroule au sol sous le poids de sa partenaire. Une douleur fulgurante dans le dos lui coupe le souffle. Pompiers, hôpital, radios. Finalement, rien de cassé mais impossible de se lever pendant trois jours. Un médecin pratiquant des manipulations vertébrales lui est conseillé. Un grand crac, et c’est le soulagement immédiat. Il reprendra ses répétitions quelques jours plus tard. « Ce fut mon premier contact avec la médecine manuelle. Ce n’était pas de l’ostéopathie. J’ignorais toujours ce dont il s’agissait. Mais peu importe. Ce médecin avait été fort efficace. J’étais resté dans le sérail médical. Ce qui m’évitait les remises en cause. Je décidais donc d’apprendre ces techniques et de continuer de snober l’ostéopathie qui plaisait tant aux danseurs. Je ne voulais pas trahir la médecine et ses progrès fabuleux en ce XXème siècle pour des pratiques à la grand-papa faits par ce que je considérais alors comme des rebouteux de campagne. Je préférais rester dans le cadre de la médecine.»

Alain Cassourra essaie de s’inscrire aux cours de médecine manuelle d’un professeur reconnu, « garant de sérieux et de rationnel ». N’étant pas spécialiste, ni en rhumatologie, ni en médecine physique, il se fait immédiatement refouler. Quelques mois plus tard, une émission de Michel Polac, Droit de réponse sur les médecines alternatives suscite son intérêt. On y parle d’ostéopathie. Une femme médecin parle d’une formation qu’elle était en train de suivre. « Je note les coordonnées et décide de m’inscrire à cette formation pour apprendre les manipulations. Deux ou trois cracs qui me tireront d’affaire pour venir à bout des plaintes d’un danseur dont le coup-de-pied a perdu son galbe. Car c’est bien ce que je cherchais. Quelques recettes de cuisine, rien de plus. C’est tout autre chose que je vais trouver... »

Dès les premiers cours, les connaissances d’Alain Cassourra, pourtant sorti dans les meilleurs de la fac de médecine, sont mises à rude épreuve. Car certaines informations vont carrément à l’encontre de ce qui lui a été enseigné. Comme la mobilité du bassin. « J’avais appris que le sacrum et les deux ailes iliaques étaient soudés. On admet pourtant qu’il puisse bouger pendant la grossesse. On voit également qu’après une opération chirurgicale, le bassin peut se déformer pour s’adapter sur une jambe plus courte. Mais malgré ces faits connus, la quasi-totalité des médecins affirment que les sacro-iliaques ne bougent pas, décrédibilisant de ce fait toute manipulation du bassin. Je résistais, et m’accrochais vainement à cette idée. Car pour moi, il était impensable que la fac de médecine ne délivre pas la Vérité ! »

Peu à peu, cette récalcitrance s’est dissipée, laissant place à un intérêt grandissant pour cette pratique, en particulier « cette rencontre avec l’autre dans l’intimité de la chair et du vivant ». « J’ai appris que le corps était en perpétuel mouvement, même dans l’immobilité. Tout bouge en permanence : la circulation du sang, la respiration, les organes, le système nerveux. Notre corps est vivant, il a une conscience et une mémoire propre. Car même si on a oublié un accident de longue date ou un événement psychologiquement traumatisant, le corps, lui, s’en souvient. Nous avons tous en nous une dimension énergétique, physique, mentale et émotionnelle. L’ostéopathie m’a appris qu’on pouvait avoir accès à ces données, engrammées et lisibles dans le corps, par le toucher. » Ainsi, lorsqu’un patient souffre d’une douleur corporelle, il est possible par les mains d’en déceler la cause, parfois même d’établir la nature du traumatisme, et le dater. « Sous mes doigts, le corps exprime son histoire, me transmet des informations, et me donne, tout comme le verbe, les clés de la guérison. Soigner ne veut toutefois pas dire guérir à tout coup, mais soigner avec ses seules mains, sans médicament, exige toujours une grande écoute, et donc parle de ce que nous sommes. »

Pour instaurer ce dialogue avec les corps, et développer son toucher, Alain Cassourra s’est plongé dans une aventure intérieure. « Le chemin des mains est devenue naturellement source d’introspection » Progressivement, l’ostéopathie a amené le médecin cartésien qu’il était à aller à la rencontre de soi et à explorer ses propres dimensions physiques, émotionnelles et mentales «pour, explique-t-il, mieux les sentir chez ses patients ». Commence alors un long travail sur lui-même : renoncer à l’ego, et se défaire de l’intellect « qui empêche d’accéder à d’autres perceptions ». « Il est important que le mental lâche prise, précise-t-il, et que le senti fasse son chemin. Avec le temps, mon regard sur le monde et sur l’Autre a changé. Et au-delà du physique, de l’émotionnel et du mental, apparaît une autre dimension que certains qualifieront de spirituelle, ou appelleront l’âme. Cette exploration des dimensions de l’être colore souvent mon soin, au service du patient, en réponse à sa demande. » Puis, il ajoute : « Je suis conscient que ma vision de l’ostéopathie n’est pas partagée par tous, mais elle s’inscrit dans un courant très actuel. Et mes patients sollicitent cette approche globale, physique, émotionnelle, mentale, voire spirituelle, de leurs maux. La prise en compte de l’être dans sa totalité manque cruellement dans notre société et correspond à un besoin profond. Je reste toutefois bien ancré dans la réalité. Il n’y a rien de miraculeux ni d’ésotérique dans ma pratique. Simplement, à force de travail, et par le toucher, s’affirmant comme le support du soin, l’invisible devient accessible. »

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